Antipsychotiques atypiques

Les antipsychotiques, initialement réservés aux troubles psychotiques ont vu leur indication s’étendre aux troubles de l’humeur (épisodes dépressifs ou maniaques avec symptômes psychotiques) et aux troubles dits du comportement, notamment dans le champ des troubles envahissants du développement et de la déficience intellectuelle. Les antipsychotiques de seconde génération dits atypiques ont montré leur efficacité dans ces indications et sont communément prescrits en France mais le plus souvent chez le sujet jeune hors des autorisations de mise sur le marché (AMM).

Cependant peu d’études existent sur leur tolérance clinique chez le sujet jeune. Il apparaît pourtant que les enfants et les adolescents seraient plus sensibles que les adultes à certains effets secondaires, notamment les effets neurologiques (sédation, somnolence, syndrome extra-pyramidal, dyskinésies, dystonies,…) et métaboliques (syndrome métabolique, prise de poids, hyperprolactinémie,…). Il est donc important, particulièrement dans cette population et dans le cadre de syndromes génétiques rares, d’évaluer précisément le rapport bénéfices – risques.

Il faut également bien garder à l’esprit que la prescription médicamenteuse ne doit pas se substituer à une analyse clinique rigoureuse de l’origine des troubles de comportement chez chaque individu. Il est indispensable de faire tout un travail en amont sur la compréhension et les causes de ces troubles du comportement : (1) causes liées aux troubles de la communication, (2) causes liées à l’environnement, (3) causes liées à l’état de santé avec pathologies somatiques surajoutées (en particulier douloureuses, épilepsie) ou pathologies psychiatriques surajoutées (anxiété, dépression, symptômes psychotiques…). Les traitements médicamenteux ne doivent jamais être la seule réponse à des troubles sévères du comportement. Ils viennent après l’échec d’autres thérapeutiques mises en œuvre ou en complément d’un travail sur l’environnement et d’approches éducatives et comportementales.

Efficacité thérapeutique

Dans le cadre de prescriptions chez des patients présentant une déficience intellectuelle quelle que soit l’étiologie (syndrome génétique associé ou pas) associée à des troubles du comportement, on retrouve des études évaluant l’efficacité thérapeutique des antipsychotiques sur les comportements agressifs et violents. Les études évaluant la risperidone (risperdal°) sont les plus nombreuses et montrent dans leur ensemble un bénéfice pour les troubles du comportement, en sachant que cette molécule est la seule à avoir l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les troubles du comportement de type agressivité, agitation, impulsivité, automutilations dans le cadre de la déficience intellectuelle, avec ou sans trouble envahissant du développement, entre l’âge de 7 et 11 ans. L’aripiprazole (abilify°) est une molécule dont l’efficacité a également été démontrée dans cette indication. Sur le plan de la tolérance, elle serait meilleure en termes d’effets métaboliques et notamment de prise de poids. Une méta analyse récente compare les effets de la risperidone et de l’aripiprazole versus placebo dans les indications de troubles psychiatriques avec symptômes psychotiques et des troubles du comportement dans les troubles envahissants du développement et/ou la déficience intellectuelle et retrouve une efficacité thérapeutique des deux molécules significative par rapport au placebo, sans différence significative entre les deux molécules (Cohen, Raffin et al. 2013). L’olanzapine (zyprexa°) a également fait l’objet d’études rapportant son efficacité mais avec des échantillons plus réduits.

Tolérance

La tolérance est une question essentielle concernant les antipsychotiques chez l’enfant et l’adolescent. En effet, c’est elle qui va permettre d’évaluer ce rapport bénéfices/risques, d’autant plus que dans cette population et pour ces troubles, les durées de prescription peuvent être très longues. Une étude de pharmacovigilance concernant un large échantillon de patients et de prescriptions d’antipsychotiques a mis en évidence une surreprésentation des effets secondaires déclarés chez l’enfant et l’adolescent par rapport à ceux retrouvés chez l’adulte*, dans des chiffres allant de 2 à 4 fois supérieurs chez l’enfant et l’adolescent par rapport à l’adulte, notamment les effets sédatifs qui seraient présents 4 fois et demi plus présents chez l’enfant et 2 fois plus chez les adolescents comparés aux adultes, de prise de poids 4 fois plus élevée chez l’enfant et 3 fois plus chez les adolescents comparativement aux adultes et de dyskinésies 4 fois plus chez les enfants comparativement aux adultes (Woods, Martin et al. 2002). Il faut savoir également que les antipsychotiques ont chacun des profils d’effets secondaires différents (Cohen, Bonnot et al. 2012). Dans la méta analyse comparant la risperidone (risperdal°) et l’aripiprazole (abilify°) versus placebo, les deux molécules augmentent la prise de poids et la sédation significativement par rapport au placebo sans différence entre les deux molécules. Concernant le syndrome extra-pyramidal, seule la risperidone l’augmente significativement par rapport au placebo (Cohen, Raffin et al. 2013).

* Mais il existe également des effets secondaires chez l’adulte en particulier dans le syndrome d’Angelman où les neuroleptiques classiques sont particulièrement mal tolérés avec des effets secondaires extra pyramidaux pour de très faibles doses. En cas de nécessité d’utiliser des neuroleptiques on privilégiera des neuroleptiques atypiques de dernière génération et à la posologie la plus faible possible.

Une chose est sûre, c’est que dans ce domaine davantage de recherches sont nécessaires. L’expérience et la pratique clinique montrent également que les posologies habituelles utilisées ne peuvent pas être identiques chez les patients présentant une déficience intellectuelle et/ou des symptômes autistiques dans le cadre de syndromes génétiques et notamment dans le syndrome d’Angelman. La tolérance aux antipsychotiques est très mauvaise et les posologies doivent être extrêmement faibles et augmentées très progressivement avec beaucoup de prudence. Les effets secondaires peuvent eux-mêmes amener une aggravation des troubles du comportement. La co prescription médicamenteuse est à éviter et rend complexe la compréhension de la situation, car il est difficile alors de déterminer quelle molécule est efficace ou inefficace; de plus cela augmente le risque de survenue d’effets secondaires. Une vigilance accrue dans le syndrome d’Angelman concerne l’épilepsie et le risque de favoriser la survenue de crises en abaissant le seuil épileptogène avec la prescription d’antipsychotiques. Une prudence s’impose également au sujet des problèmes de constipation, retrouvés dans le syndrome et provoqués parfois par les antipsychotiques, avec le risque d’aggravation des troubles du comportement par les douleurs et gênes occasionnées.

En conclusion, il faut rappeler qu’en présence de troubles du comportement sévères, les molécules antipsychotiques peuvent être utiles tout en restant très vigilant à prescrire de faibles posologies et à évaluer le rapport bénéfices – risques.

En résumé

1) L’idéal serait de prévenir le trouble du comportement :

  • rechercher les facteurs de risque (douleurs, troubles du sommeil, comitialité, difficultés de communication, épines irritatives, pathologie psychiatrique ou psychologique…).
  • d’identifier les moyens de communication habituels de la personne
  • identifier les situations à risque prévisibles, (interventions ponctuelles extérieures, soins douloureux, changement d’environnement, ruptures relationnelles ou communicationnelles en établissement, période de transition …).
  • rechercher systématiquement une maltraitance…

2) Privilégier les approches non médicamenteuses :

  • Mesures d’apaisement ou de prévention (MAP) ponctuelles ou rituelles
  • Activités globales traditionnelles – culturelles, sociales, physiques et sportives (sport adapté ou non, musicothérapie, art-thérapie, hippothérapie…).
  • Prises en charge rééducatives à fort potentiel relaxant (ergothérapie, kinésithérapie, psychomotricien…) et techniques de médiation spécifiques (communication améliorée et alternative, stimulation sensorielle, Snoezelen…).

3) Si un traitement médicamenteux psychotrope est nécessaire

  • Utiliser la posologie la plus faible et l’adapter.
  • Limiter au maximum les associations de médicaments.
  • Prescription pour une durée déterminée, la plus courte possible, avec une réévaluation régulière, au terme de 6 à 8 semaines au plus tard, et dès qu’un nouveau fait survient et accompagnée de mesures non médicamenteuses.

 

Références

  • Cohen, D., O. Bonnot, N. Bodeau, A. Consoli and C. Laurent (2012). "Adverse effects of second-generation antipsychotics in children and adolescents: a Bayesian meta-analysis."J Clin Psychopharmacol32(3): 309-316.
  • Cohen, D., M. Raffin, R. Canitano, N. Bodeau, O. Bonnot, D. Perisse, C. A. and C. Laurent (2013). "Risperidone and aripiprazole in children and adolescents with autism and/or intellectual disability: a bayesian meta analysis of efficacy and secondary effects."Research in Autism Spectrum Disorders7: 167-175.
  • Woods, S. W., A. Martin, S. G. Spector and T. H. McGlashan (2002). "Effects of development on olanzapine-associated adverse events."J Am Acad Child Adolesc Psychiatry41(12): 1439-1446.
  • Comportements perturbateurs chez les personnes ayant des lésions cérébrales acquises avant l’âge de 2 ans : prévention et prise en charge Méthode Recommandations pour la pratique clinique RECOMMANDATIONS HAS Octobre 2014

par Perrine Charles, Neurologue et Angèle Consoli Pédopsychiatre


L'accompagnement éducatif et psychologique

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