La communication alternative

Pour tout enfant, la communication puis le langage reposent sur des compétences sensorielles, cognitives, motrices, relationnelles et neurologiques.

L’enfant porteur d’un syndrome d’Angelman (SA) peut avoir des difficultés à chacun de ces niveaux. Son langage oral sera souvent limité, en particulier sur le plan expressif.

La communication de l’enfant porteur d’un syndrome d’Angelman

Pour autant il communique, et communique d'autant mieux que les prises en charge sont précoces et visent à l'inscrire dans la communication comme un véritable interlocuteur reconnu dans ses compétences. L’enfant porteur du syndrome manifeste une grande envie de communiquer et utilise tous les canaux dont il dispose : il module ses productions vocales, développe une gestualité signifiante, un pointage et des conduites d'imitation. Pour développer et investir au mieux ces compétences, il est primordial de proposer des suivis précoces et adaptés et d’encourager les familles à soutenir l’expression de leur enfant, de les informer sur les différentes possibilités d’aides à la communication, d’inscrire la famille dans un partenariat dès le début de l’accompagnement.

Tout jeune enfant construit sa communication puis son langage grâce à une interaction permanente entre ses compétences intrinsèques et l’apport de son environnement.

Le nouveau-né est un être de communication. Il entend, il voit, il sent, déjà il communique, mais il n’utilise que des canaux non-verbaux: sa posture, sa mimique, son regard, puis son sourire et ses vocalises. Sa maturation neurologique est loin d’être achevée; elle se poursuit, tout au long du développement, en particulier grâce aux stimulations qu’apporte l’environnement : entourage affectif, apport sensori-moteur et linguistique. L’adulte encourage, reprend, apporte un feed-back, et, très spontanément, s’accorde à l’enfant et à sa maturation. C’est cette adéquation permanente entre l’évolution de l’enfant, sa maturation neurologique et l’apport environnemental, qui permet au jeune enfant de construire sa communication et son psychisme.

Le Syndrome d'A​ngelman perturbe ces interactions; le comportement de l’enfant est difficile à interpréter, semble décalé, ses productions et ses réponses sont ralenties; les parents se sentent désarmés devant cet enfant différent.

Une évaluation précise

Il est essentiel de proposer le plus précocement possible à chaque enfant porteur d’un SA une évaluation extrêmement précise, pour comprendre où se situent ses difficultés mais surtout ses compétences et ses émergences de communication, d’élaborer un projet construit, réaliste, respectant ses potentialités et ses différences. Cette évaluation doit être transdisciplinaire, et repose en particulier sur les observations des parents de l’enfant. Elle permet d’apporter à chaque enfant les aides utiles.

Elle distingue en particulier, pour chaque enfant :

  • Ses compétences non-verbales : interactions par la posture et le regard, attention conjointe, vocalises, expressions de la mimique, capacités d’écoute.
  • Sa compréhension qui est toujours contextuelle avant d’être verbale.
  • Ses capacités expressives, par le pointage, la désignation.
  • Son accès aux compétences symboliques (permanence de l’objet, jeu symbolique, relation cause/effet).
  • Son entrée dans le verbal, que ce soit par des mots, des gestes ou des désignations d’objets ou d’images.
  • Le contexte favorable à la communication (relation duelle ou en groupe, etc).
  • Le sujet, le thème motivant la personne à utiliser des stratégies pour se faire comprendre (demander un câlin, un bonbon, exprimer une douleur, etc).

Les objectifs des évaluations et des suivis

C’est à partir de cette évaluation que seront proposées à chaque enfant les aides qui lui correspondent.

Toute prise en charge doit aider l'enfant à exprimer ses potentialités, et les parents et l'équipe à les percevoir et à les respecter. Il convient avant tout :

  • De préserver l'appétence à la communication, de comprendre que certains comportements défis ne signent que la frustration d’être incompris.
  • De donner à l’enfant une posture de confort, qui favorise ses interactions.
  • De travailler sur les outils de la communication.

Pour entrer dans le langage, nous l'avons dit, des outils, moteurs et sensoriels en particulier, sont nécessaires :

L'alimentation s'appuie sur la motricité bucco-faciale, elle-même indispensable à la phonation. Permettre à un tout petit d'avoir une respiration nasale en l'aidant à fermer la bouche, à avoir une meilleure commande de la motricité de langue, de joues, de lèvres par le biais de l'alimentation, c'est l'aider aussi à mieux maîtriser les effecteurs de la parole et de la communication non verbale par le biais de la mimique.

Il est aussi essentiel de vérifier l’intégrité auditive et visuelle de l’enfant.

  • D’apporter des stimulations informatives :

Ne pas sur-stimuler un enfant, mais lui apporter des stimulations informatives, qui lui permettent de se construire. Savoir se taire pour lui permettre d'intégrer une information et d’essayer d’y répondre. Favoriser l'expressivité des mimiques, le regard de communication, l’attention conjointe, le tour de parole. Prendre chaque enfant là où il est, pour l’aider à progresser, un pas à la fois.

L’accompagnement progresse par étapes, et est essentiellement basé sur des conduites d'imitation : on incite l’enfant à imiter, en utilisant un feed-back positif le plus souvent possible, lorsque l’enfant répond à la demande.

Le langage oral est rarement investi sur le plan expressif, même si certains enfants utilisent quelques mots. Il convient donc d’essayer de proposer une communication non orale, qui passe par l'utilisation d'un support visuel ou gestuel.

Un système de CAA (Communication Améliorée et Alternative) ou de Communication Adaptée, utilisant un support à base de photos, d’images ou de pictogrammes simples peut être mis en place, lorsque l’enfant y est prêt.

Le nombre de représentations variera beaucoup d'un enfant à l'autre en fonction de ses capacités et de sa motivation. Les enfants présentant un SA sont souvent très attirés par les photos, et c'est souvent par ce biais qu'ils accèdent à la communication. Les codes de communication basés sur des systèmes de vignettes (à pointer ou à donner) sont donc les plus largement répandus. Reste à veiller au positionnement de ces vignettes, à leur taille, à leurs couleurs, leur présentation, ce qu’elles représentent, leur organisation, en prenant en compte les capacités visuelles et motrices de chacun.

Les nouvelles technologies (ordinateur, tablette numérique, etc) peuvent faciliter certains apprentissages en s'adaptant aux besoins de l'enfant tout en restant un support ludique et interactif. L'enfant est rendu acteur de ses actes, lui permettant ainsi d'être davantage reconnu dans ses compétences de communication.

Dans tous les cas, lorsqu’un code est proposé, Il est essentiel que les personnes de l’entourage de l’enfant s'approprient ce code et l'investissent au mieux, qu’elles l’utilisent elles-mêmes pour communiquer, qu’elles signent en parlant à l’enfant, ou pointent une image pour appuyer ce qu’elles disent. Cette modélisation favorisera l’utilisation du code par la personne atteinte du SA.

Cette nouvelle communication, que l’enfant s’approprie progressivement pourra se développer, s’enrichir au fil des mois et des années.

Certains pourront exprimer des besoins, des demandes, des émotions, parfois commenter une situation ou raconter un évènement, un moment. Ces possibilités seront conditionnées par les capacités de la personne en lien avec le syndrome, par la richesse de l’environnement mais également par les qualités relationnelles des interlocuteurs. Il est essentiel de se montrer disponible, à l’écoute, en donnant la possibilité aux personnes atteintes de s’exprimer, de communiquer autrement.

Les personnes atteintes du syndrome d'Angelman continuent de progresser toute leur vie, et de nouvelles capacités d'apprentissage peuvent apparaître chez l’adolescent, et même à l'âge adulte (on observe de meilleures capacités d'attention et de concentration, conjointement à une réduction de l'hyper-activité, des troubles du sommeil voire des crises épileptiques).

Il est important de maintenir les différents suivis et de savoir réajuster les projets.

Laissons-leur la possibilité de nous étonner !

D. CRUNELLE

Orthophoniste, Docteur en Sciences de l’Education; formatrice

P.Gracia

Educatrice spécialisée et formatrice


Les prises en charge

Les prises en charge